UNE LÉGENDE WARLI
La pièce magique
L’hiver se termine. Le soleil recommence à chauffer le mur de terre de cette maison silencieuse, à la sortie du village. Tout le monde connaît le couple qui y habite, mais personne ne leur parle. Elle n’est plus très jeune et lui, quand il fume, adossé à ce mur, il ne répond pas au salut du passant. Il regarde ailleurs, très loin, vers la montagne. Il semble écouter le vent. Aucun animal ne pâture autour de la maison, aucun enfant ne joue dans la cour, pas même un chien pour aboyer.
Le village est en effervescence. Au pied de la montagne, la grande Méla de Mahalakshmi a commencé. La fête ne dure que deux jours et deux nuits. Tout le village va s’y rendre. Va-t-on marcher de nuit avec des voisins ? Y aller en charrette ou partager un Rickshaw ? Ou prendre l’autobus ? Ce sont les parents qui décident. Mais les enfants ne veulent pas manquer cela, il y aura un manège, des ballons, des poupées, des bracelets… Les parents aussi veulent aller à la fête, elle marque la fin de l’année Warli. Après la Méla commence le Rab, le temps de la préparation des rizières avant l’arrivée de la pluie, le brûlis, la réparation des murets… Mais surtout c’est à ce marché que les Warli troquent leur surplus de riz contre du kérozène ou un sari…
Assis devant la maison silencieuse, le couple sans enfant, n’a rien à troquer car ils n’ont pas de rizière. Ils sont bûcherons, elle fait des fagots avec le bois tombé sous les arbres et lui coupe avec sa hache les branches mortes. Alors ils n’iront pas à la Méla. Il regarde un instant sa femme et elle comprend qu’il veut aller ramasser du bois, parce qu’il commence à faire un peu moins chaud dans la montagne. Ils se lèvent ensemble.
Un chant d’oiseau annonce le coucher du soleil quand le bûcheron entend le cri d’un enfant qui pleure dans la jungle. Il pose sa hache, laisse sa femme et s’enfonce sous les arbres. Dans une clairière il découvre un bébé seul, dans un hamac. Il balance un peu le hamac mais cela ne calme pas l’enfant. Un passant lui dit que sa mère est descendue au grand marché de la Méla. Il y part en courant.
Au pied de la montagne il croise une femme qui remonte tranquillement le chemin. C’est la mère du bébé. Elle remercie le bûcheron et lui donne, en cadeau, un sac qui contient une pièce. « Tu peux sortir cette pièce du sac, la dépenser, il en restera toujours une au fond de ce sac. Je suis une magicienne ».
Le bûcheron se rend, avec sa femme et sa pièce magique, au marché de la Méla. Ils font d’abord un tour de manège. Puis il achète un sac. Ils choisissent ensuite des noix de coco, un panier, des radis. Elle veut un sari. Il y a toujours, au fond de son sac, une pièce pour payer. Mais leur chargement devient de plus en plus lourd. Alors la femme décide de rentrer avec son panier de légumes, et lui continue avec un baluchon qui devient de plus en plus gros. Fatigué, il pose sa charge devant un débit d’alcool. Il s’y repose un moment puis commande à boire. Un peu, un peu plus… enfin il se décide à rentrer chez lui. Dans sa maison il pose son énorme baluchon rempli de tous ses achats. Sa femme lui demande « et le petit sac avec la pièce, tu l’as oublié ? ». Le bûcheron baisse la tête. Quand il la relève et qu’il croise le regard de sa femme, il se rend compte qu’elle rit.
Oeuvre du peintre WarlI SHANTARAM CHINTHYA TUMBA - Acrylique sur toile de coton enduite de matières naturelles - 177 X 91 cm;e matières
Voici, ci-dessus la peinture Warli qui raconte ce joli conte.
Elle est l'oeuvre d'un grand peintre de la tribu Warli, dont les peintures ont été exposées, au musée des Arts Décoratifs et à la Fondation Cartier, à Paris, et qui font partie du fond du musée des Confluences de Lyon.
Elle montre que l'art Warli permet aux Warli de conserver leurs contes et légendes puisque leur langue ne s'écrit pas.
Vous pouvez voir cette peinture jusqu'à fin Avril, à GRENOBLE :
à la GALERIE VENT DES CIMES
25, avenue ALsace-Lorraine
04 76 46 20 09