Warli painting : le grand retour des femmes.
Dans la tradition Warli ce sont les femmes mariées qui peignent. Elles peignent la déesse Palagatha pour les mariages, en l'entourant de scènes de leur vie quotidienne. Elles peignent pour protéger une maison neuve des mauvais esprits. Elles peignent pour la naissance d'un enfant. Elle peignent l'image d'un dieu qu'elles veulent invoquer. Elles peignent des paons pour avoir de l'argent ou un tigre pour que leur vache guérisse. Elles peignent pour raconter une légende. Elles peignent les travaux des champs pour se souvenir des saisons. Ou bien elles peignent tout simplement parce ce qu'elles en ont envie.
Ce sont des fresques. Les femmes Warli peignent en groupe, en chantant et en buvant de l'alcool. Le groupe doit comporter des femmes jeunes et des anciennes. C'est ce qu'elles ont fait pendant des siècles et qu'elles font toujours.
Quand dans les années 1970 on leur a demandé de peindre sur toile, peu de femmes Warli ont accepté. Ce n'était plus plus ces transes rituelles des peintures de fresques. Ceux qui leur demandaient de peindre étaient "étrangers" à leur communauté. Pis encore, il leur faudrait peut être quitter le village pour accompagner leurs oeuvres. Elles ont refermé leur porte et ont continué de peindre l'intérieur de leur maison.
Les hommes ont tranquillement pris le relais. Ce sont les peintures faites par les hommes, qui ont permis au monde de découvrir l'art Warli. Mais ces hommes ont tout appris des femmes. C'est leur mère, leur tante, leur voisine qui leur ont appris à peindre. L'histoire de la vie du grand peintre Jivya Soma Mashé en est un bel exemple (voir sur ce blog la rubrique "l'art WarlI").
Jivya Soma Mashé est un homme original. Il a transmis
à toute sa famille, essentiellement ses enfants et petits enfants. Tout le monde travaille aux champs pour la culture du riz; de la même façon, tout le monde peint.Jyanavi est la petite fille de Jivya. Sur la photo ci-dessus elle est fière de montrer sa peinture. C'était il y a dix ans, à une époque où très peu de femmes Warli peignaient sur toile.
Regardons attentivement la peinture, ci-dessous.
C'est un très beau filet de pêche, que l'on appelle en francais "épervier". Il est garni de plombs à son extrémité. Déplié ce filet est un cercle de 4 mètres de diamètre sur l'eau. Le pêcheur le jette d'un geste superbe pour qu'il tombe à plat sur l'eau, en formant ce large cercle. En tirant la cordelette au centre du filet, parce que les bords du filet sont garni de plombs, le pêcheur le referme et les poissons sont capturés.
C'est cet instant que Jyanavi a peint. On voit les poissons à l'intérieur du filet, par transparence. Les mailles du filet, toutes différentes quand on les regarde attentivement, sont aussi belles que celles peintes par son grand père Jivya. Les tableaux représentant des filets, de Jivya Mashé, sont dans toutes les collections d'amateurs d'art Warli. Il y en avait quatre à l'exposition "Histoires de voir" à la fondation Cartier.
Cette peinture d'un pêcheur avec son filet, cherche habituellement à nous montrer la petitesse, la fragilité, de l'homme face à la mer immense et redoutée pour les Warli.
Pour moi, Jyanavi ajoute en plus autre chose. Elle montre qu'il y a des poissons qui se font attraper et d'autres pas. La connaissant un peu, je pense qu'elle fait partie de ceux qui ne se font pas attraper.
Reena est une femme Warli timide mais déterminée. Elle a décidé très jeune de peindre et de vendre ses peintures, comme font les hommes de son village; Quand je l'ai connue elle avait 18 ans et venait de Thalassari jusqu'à Bombay à 150 km ( ce n'était pas encore Mumbai) pour vendre ses oeuvres. Elle se rendait dans un programme de développement, Creative Handicrafts, http://www.creativehandicrafts.org qui s'occupe de femmes migrantes dont des Warli. Là elle proposait de petits dessins. Séjournant régulièrement dans ce programme, je les lui en ai achetés. Elle était timide et semblait effarouchée.
Lorsqu'un jour elle m'a vendu une peinture plus grande et en regardant le sujet je l'ai mieux comprise. Une partie de cette peinture représentait la vie d'un village Warli avec des personnages travaillant tranquillement aux champs, une place de village avec des enfants qui vont à l'école, une rivière poisonneuse... le bonheur. L'autre partie représentait la vie en ville, avec des usines qui déversent des déchets dans une rivière, des paraboles, un camion citerne, des gens qui se battent, un homme renversé par un vélo, des gendarmes qui arrètent un voleur... le désordre! C'est donc cela, la grande ville faisait très peur à Reena, dans les années 1990.
Reena n'a jamais cessé de peindre. Elle a participé à des expositions communes en Inde, avec d'autres peintres Warli. Elle a même enseigné la peinture à de jeunes enfants Warli.
Elle est aujoud'hui mariée et a deux enfants. La famille a une toute petite exploitation où ils cultivent le riz, quelques poules ...qui serait insuffisante pour nourrir sa famille. Reena peint beaucoup . Elle vit bien grâce à la vente de ses peintures
Reena est invitée en mai 2015,en France, à Lyon, pour présenter ses peintures dans une manisfestation autour de l'art Warli.
S
Reena a entrainé
mmes Warli. On la voit dans la photo ci- dessus peindre avec une voisine. Elle reproduit là la tradition des fresques qui doivent être peintes par plusieurs femmes et normalement un nombre pair.Les femmes peintres Warli sont de plus en plus en plus nombreuses. Elles ont plus peur de quitter leur village. L'exemple de Reena y est certainement pour quelque choses.
Christian Guillais
Ci- dessous quelques portraits de ces nouvelles femmes peintres :